La WebGameConference a eu lieu jeudi 29 avril à La Défense, et j'y étais présente, ainsi que YeDo. Nous avons sagement assisté à toutes les conférences (en anglais) au programme de cette journée chargée (mais très bien organisée). Nous avons également profité à fond de toutes les pauses, et autre déjeuner, pour discuter avec plein de monde, et ce fut vraiment enrichissant.

Je vous livre ci-dessous les notes que j'ai prises au cours de cette journée. C'est forcément un choix un peu subjectif. La liste des participants à chaque table ronde est détaillée sur le site de la conférence.

  • Petite introduction générale par Risa Cohen : Rappelons-nous que le jeu en ligne présente la particularité fondamentale d'être en échange permanent et direct avec les joueurs. C'est ce qui le différencie le plus de la façon "classique" de gérer des jeux vidéo. Il est donc important de gérer ces communautés de joueurs, et le rôle d'un Community Manager (CM) est primordial ("key to success"). Attention à ne pas confondre "communauté" et "réseau social". Ce n'est pas parce qu'on est sur Facebook qu'on gère une communauté sans rien faire. 
  • Graphismes versus GameDesign, avec Motion Twin et Travian Games.
    - Le gamedesign vient en premier. Les premières versions du jeu sont faites avec des graphismes minimalistes, car tout est jetable. C'est une fois que le design du jeu est terminé qu'on va travailler sur le look du jeu. Le graphisme est là pour servir le gamedesign.
    - Attention aux contraintes du web, surtout si on travaille à l'international, et en particulier en Asie où les bandes passantes sont plus faibles que chez nous. Il faut faire des pages légères, rapides à charger, et rester accessible.
    - Plus que le graphisme, c'est l'ergonomie, la simplicité d'usage, qui prime. Le focus doit porter sur le gameplay, et le joueur ne doit pas se sentir perdu.
    - Au départ (il y a 5 ans ou plus), les jeux par navigateur ressemblaient à des tableurs Excel ! Au mieux, à des sites web. Aujourd'hui, il faut les faire ressembler à des jeux PC au maximum. "More game, less website".
    - Pour le style de graphisme, il faut différencier les jeux pour joueurs hardcore des social games plus grand public. Les attentes ne sont pas les mêmes. Globalement, le look cartoon marche bien un peu partout (et Travians s'inspire ouvertement d'un look à la Asterix, référence internationale). Les jeux de stratégie sont plus proches des jeux PC, plus hardcore, et les graphismes et l'interface y seront donc plus riches.
    - Quid des kits de graphismes publiables par les joueurs ? Sur Travian, ils ont senti une demande (vu que des joueurs le faisaient via des scripts GreaseMonkey), donc ils ont proposé  cette possibilité. Motion Twin est plus réticent (risque de faible qualité).
    - Remarque annexe : il y a bien plus de marché et de compétition pour les jeux en Allemagne qu'en France (Travian Games et Big Point sont deux exemples de gros éditeurs allemands que nous verrons au cours de cette conférence). Les joueurs allemands payent plus volontiers pour un jeu en ligne... (Personnellement, je pense que c'est aussi lié à une culture populaire du jeu en Allemagne, qui se voit bien sur le grand succès des jeux de plateau chez eux. Or, les jeux par navigateur sont bien plus proches dans leurs mécanismes de jeu des jeux de plateau que des jeux vidéos).
  • Plateformes (open web, Facebook, iPhone), avec Adictiz et Kobojo qui font des jeux Facebook, et Bulkypix qui fait des jeux sur iPhone).
    - N'est-ce pas trop limitant de publier sur une plateforme propriétaire ? Pas trop car les plus grosses contraintes sont celles du web, et non des plateformes. Facebook impose cependant de plus en plus de limitations... A contrario, c'est le développement sur iPhone qui offre le plus de possibilités innovantes via son touchscreen et ses autres fonctionnalités spéciales. (NDLR : dommage de ne pas avoir eu un intervenant contradictoire sur cette table ronde. Du coup, le débat a plutôt dévié sur d'autres sujets un peu divers, pas forcément inintéressants certes, plutôt que sur le choix de développer ou pas sur Facebook).
    - A nouveau : ne pas oublier de différencier un réseau social (les gens que vous connaissez) d'une communauté (des gens que vous ne connaissez pas forcément, avec lesquels vous partagez cependant des points communs). Facebook propose des outils sociaux, qui permettent de gérer la communauté des joueurs d'un jeu donné. "Everything is getting social", et c'est un gros vecteur de succès pour les jeux (donc c'est un avantage que de développer un jeu sur Facebook : il se propagera  rapidement).
    - Le web est international, mais les communautés sont fortement liées à la langue. Il vaut mieux créer des forums distincts, voire des applications Facebook distinctes, par langue.
    - Pour gérer les communautés de joueurs, une des difficultés sur laquelle on arrive vite, c'est le mélange des vétérans (ancients, high levels) et des petits nouveaux (newbies). Pas évident de satisfaire les uns et les autres.
    - Un souci sur les plateformes propriétaires (ah, quand même !), c'est la limitation sur les modes de paiement et les biens virtuels. Tout y est très réglementé. Ce peut être un critère pour développer ou non sur ces plateformes.
    - Sur iPhone, il y a beaucoup de monde, désormais. Il faut être innovant... et entretenir de bonnes relations avec Apple ! Faire des nouveautés, leur  donner souvent des news pour être en bonne position sur l'AppStore.
    - C'est difficile de monétiser sur iPhone, où les prix des applications sont  vraiment très très bas. Partout, il faut aussi éduquer les joueurs à payer pour jouer, surtout les joueurs français (tous les intervenants ne sont pas d'accord, certains disent que le taux de joueurs qui refusent de payer un jeu est à peu près le même partout, à 90% environ).
    - Un avantage du jeu en ligne est la faculté de développer par itération, de mesurer les usages en direct et de s'y adapter, voire de faire des tests en ligne. Par exemple, le "smoke test" consiste à placer un bouton vers une nouvelle fonctionnalité qui n'existe pas encore, et qui ne fait qu'afficher un message "coming soon" : en mesurant les clics sur ce bouton, on pourra voir si le développement de cette fonctionnalité en vaut la peine... (ne pas abuser de cette technique !).
  • Recrutement des équipes, avec IIM co-sponsor et hébergeur de l'événement, et Paris Master Class.
    - Un exemple est donné d'une offre d'emploi de Digital Project Manager où on demande quelqu'un qui sait TOUT faire, en gros. On demande des moutons à cinq pattes !
    - Les compétences recherchées sont très différentes de celles des équipes de jeux vidéo classiques. Pour les graphistes, il vaut mieux prendre des gens qui ont des expériences en web agencies. Les développeurs doivent connaître PHP, HTML, Ajax, plutôt que le C. Pour le gamedesign, il faut de bonnes connaissances en community management, et en gestion d'interactivités sociales. Les producers doivent savoir gérer des petits budgets et une monétisation de type freemium. A tout cela, se rajoutent d'autres profils spécifiques, comme des marketeurs plutôt orientés en e-commerce, des référenceurs, des ergonomes web (profils difficiles à trouver !), des CM qui connaissent la modération et la gestion de versions bêta (il vaut mieux prendre des joueurs proches de la communauté cible).
    - Il faut trouver des gens passionnés par le jeu... et on peut débaucher des gens expérimentés du web qui s'ennuient à travailler pour des banques par exemple. Mais ce n'est pas facile de trouver des équipes motivées par les jeux pour petites filles, ou même simplement par les jeux de type casual ! et puis il faut offrir de bons salaires à ces profils ++...
    - Vaut-il mieux embaucher des profils "web" ou des profils "game" ? Les réponses sont plutôt unanimes sur le profil Web... (NDLR : si on relit les notes de la première table ronde, on y disait qu'il fallait davantage penser jeu, et moins site web, hum, hum !).
    - Pour les développeurs web, attention à ce qu'ils prennent bien en compte les problèmes de performance, de scalabilité des applications.
    - Un livre est cité en référence pour "voir les choses autrement" quand on crée sa startup : Getting Real, de 37signals. NDLR : il est disponible en lecture en ligne, et c'est vrai que c'est assez intéressant... 
  • Solutions de paiement en ligne, avec Allopass co-sponsor de la conférence, Wallie solution de cartes prépayées, et Deal United, solution de rétribution par cashback.
    - Comme le montrent les intervenants, il existe différents types de moyens de paiement, complémentaires. Il ne faut pas les multiplier à l'infini, mais il vaut mieux en combiner plusieurs. Certaines solutions fonctionnent mieux dans certains pays, ou avec certains publics. Par exemple, les plus jeunes joueurs n'ont pas de carte bleue et vont plutôt utiliser les paiements par téléphone, ou les cartes prépayées (qu'on peut leur offrir). "Know your customers !".
    - Sur les pages d'achat, il faut grouper les solutions par type (bancaires d'un côté, téléphone d'un autre, cartes prépayées d'un troisième) afin de ne pas créer trop de fouillis.
    - Comme pour le reste, penser à mesurer l'utilisation réelle de chaque méthode, et ne garder que celles qui sont vraiment employées par les joueurs, et efficaces.
    - Appliquer les règles du e-commerce : simplifier la phase de paiement, inciter à passer en mode payant à plusieurs endroits du site, organiser des événements spéciaux avec des réductions, créer des "happy hours"... 
Voila qui termine la matinée. Au cours des pauses, j'ai eu l'occasion de retrouver des connaissances comme @Catpointzero, CM chez Kobojo, et d'enfin rencontrer IRL @cnaux, qui s'occuper de BayardKids, ou @cateland qui lance Yoocasa... Avec YeDo, nous avons pu longuement discuter ensuite avec Nicolas de chez Motion Twin, et ce fut un immense plaisir. C'est vraiment l'éditeur pro dont le monde amateur peut se sentir le plus proche, je crois, dans le bon sens du terme, celui de la passion et de l'innovation.

Je continuerai ce compte-rendu avec les séances de l'après-midi dans le prochain billet, car celui-ci est déjà bien riche !