J'étais présente pour cette nouvelle édition de la WebGame Conference (hashtag #wgc11 sur Twitter). Comme l'an dernier, en voici un compte-rendu !

En arrivant, j'ai pu retrouver de vieilles connaissances de TourdeJeu que je vous présente toujours sous leurs pseudos d'époque : Welldone d'Asyncron Games, toujours bien actif, et Jerem cofondateur par le passé de La Fédé (qui s'occupe aujourd'hui de monétisation de sites web). J'ai brièvement croisé par la suite Wax et Nonothehobbit (un ancien de Ideo) de 3D duo.

3 tables rondes et 1 keynote le matin ; 1 session spéciale Facebook, 1 keynote et 2 tables rondes l'après-midi. En dehors des 2 keynotes, l'écran au-dessus de la scène n'affichait que les tweets  #wgc11, par le biais desquels on pouvait poser des questions. En pratique, cela apportait très peu, et les intervenants n'étaient pas toujours très clairs sans aucun support derrière eux (pour tout ce qui est chiffres par exemple, surtout avec l'accent terrible de certain ; rappelons que toute la conférence se tient en anglais). Un peu dommage. Passons directement aux différentes sessions thématiques !

Multi-plateformes

J'ai loupé le début de la session, c'est ça de retrouver des anciens ! Je suis arrivée au moment où il se disait que l'iPad est un marché trop petit pour le free to play. Trop "ordi", et pas assez outil personnel (contrairement à l'iPhone).
La future plate-forme ? On va jouer partout, pas spécialement sur une machine ou une autre. Les jeux qui ont le plus de succès sont finalement des jeux très simples techniquement, des "cheap games". Donc les futures technos élaborées intéressent peu les acteurs de ce secteur.
La discussion a ensuite dérivé sur le terme de "social games" : les jeux sont "social" par définition (hum, beaucoup de jeux vidéo sont mono-utilisateur quand même !) et ce qui est vraiment nouveau, c'est de jouer avec ses proches (ah ??) grâce au réseau social existant (Facebook) et au gameplay asynchrone supprimant la contrainte du "je dois me connecter en même temps que mes potes" (les jeux alternatifs l'avaient découvert depuis longtemps, ça).
Quid du HTML5 ? c'est prometteur, et adéquat pour le vrai multi-plateforme, mais le JavaScript manque d'environnement de développement complet permettant d'être aussi productif qu'avec d'autres langages (pas de compilateur ni débogueur). C'est plus facile d'y passer si on vient d'un jeu Facebook, moins facile si on vient du mobile. Les animateurs ont l'habitude et les outils pour faire du Flash encore un bon moment.

Acquisition de joueurs

Intervenants de Kobojo, Weka, Prizee, Mediastay et Hi-Media (Allopass).

Kobojo et Weka sont d'accord sur un point important : il est bien plus difficile de retenir les joueurs que de les faire venir. Il faut surtout se focaliser sur l'engagement (au lieu du one-shot). Weka fait remarquer que suite aux changements de règles de Facebook en mars 2010, diminuant fortement la viralité des jeux, ils ont beaucoup perdu en visites, mais au final, pas en joueurs de "qualité".
Pour Prizee, il faut beaucoup de nouveautés, de contenus  et des gains à la clé pour attirer des joueurs au départ, et en fidéliser certains (Prizee a fondé son système sur les gains, donc forcément... ). . Certains de leurs joueurs jouent depuis 7 ou 8 ans. Prizee a développé son propre outil d'analyse et de stats sur les joueurs et leur activité, afin de définir des critères maison, permettant de calculer une rentabilité prédictive des joueurs... Le taux de conversion n'évolue plus au bout de 6 mois de jeu.
Mediastay achète du trafic par emailing, par affiliation, par publicité, avec calcul de ROI sur chaque mode d'acquisition. Ils tracent et mesurent ensuite l'engagement des joueurs pour s'adapter. Le plus efficace reste les campagnes d'emailing, car c'est le plus direct, avec des offres personnalisées, et à durée limitée. Pour améliorer leur taux de conversion, ils travaillent classiquement sur les formulaires d'achat, du A/B testing, etc. 


Quel est leur business model ? Kobojo dit que la publicité rapporte assez bien en France, mais moins à l'international, où il vaut mieux se baser sur les micro-transactions. Weka soutient le mode freemium si le design est fait pour ça  : c'est plus efficace que l'abonnement car il n'y a pas de barrière d'entrée. Mais il faut vite les "attraper" car ce ne sont pas des joueurs forcément très impliqués.
Hi-media (opérateur de publicité et plateforme de paiement) rappelle qu'il y a 10 ans, et même 5 ans, la concurrence était nettement moins forte que les  coûts d'acquisition était alors plus faibles (il vise les éditeurs précédents, qui se sont installés il y a quelques années). De plus, les revenus ont baissé car les frais sur les micro-paiements sont plus élevés que pour de la transaction classique (abonnements). Il faut donc augmenter les frais marketing (forcément !). Surtout en Angleterre et en Allemagne, beaucoup plus concurrentiels actuellement que la France et les autres pays d'Europe du Sud (il paraît que la France, culturellement, est plutôt un pays du Sud). Il faut de plus en plus passer par les grandes plateformes (FB, Amazon, Google, Apple..) qui fixent leurs règles et leurs coûts.
Kobojo fait remarquer sur Facebook est people-centric, et non intention-centric comme un moteur de recherche Google. On peut identifier des niches, mais il est difficile de relier précisément les envies de jeux et les critères démographiques. On peut au moins tenter de faire du "local" (langues, mais aussi options différentes selon les pays).

Question : si vous deviez démarrer maintenant, que feriez-vous ? Weka : travailler sur l'engagement, et non sur l'acquisition. Prizee : éviter les niches trop concurrentielles, et viser le futur (être dans les premiers acteurs d'un nouveau marché).
Question : le parrainage de joueurs est-il efficace ? Attirer des joueurs avec des bonus ou des avantages ne marche pas trop pour les garder sur la durée. Pour le freemium, il faut des avantages pour ceux qui paient, mais c'est un point très difficile de trouver l'équilibre ludique, pour ne pas faire fuir ceux qui ne paient pas encore. Au niveau rentabilité, il faut cependant avantager ceux qui paient vs ceux qui passent du temps à jouer... mais cela présente le risque non négligeable de détruire la communauté (transition sur l'atelier suivant !).

Community Management

Intervenants : AntVoice, Owlient , Feerik
Aparté en préambule : Cette table ronde aborde un sujet à mon sens primordial, mais très vaste. C'est effectivement parti dans tous les sens. J'ai apprécié les interventions de Owlient et Feerik qui ont des communautés "classiques" (utilisant des forums, car ils ne font pas de jeux facebook, enfin je crois), contrairement à Antvoice qui parlait plutôt de support et de relation client, et de Facebook.

Au début d'un jeu, la relation avec les joueurs est essentiellement du support. Rapidement, il faut cependant passer au niveau supérieur, et mieux connaître la communauté. Surtout pour les audiences de filles, méconnues par les dev au départ... (eeeeh oui !). Les 3 éditeurs présents ont un public en majorité féminin, donc ils ont recruté des filles pour faire du CM (Community Management).
La modération des forums est rigoureusement indispensable. Faire du CM qui aille plus loin est plus délicat et plus rare. Est-ce une bonne idée de recruter parmi les joueurs eux-mêmes ? Il est certains qu'ils connaissent très bien le jeu, et surtout d'un point de vue de joueur assidu, qui pratique plusieurs heures par jour, parfois, contrairement aux développeurs. Mais il est aussi nécessaire de prendre un peu de distance avec cette vision de passionné, souvent trop court-terme. C'est à l'éditeur de maintenir sa roadmap, ses objectifs.
Pour recruter un CM, la formation importe assez peu, c'est avant tout l'expérience qui compte (cela peut être dans des domaines autres que ludique). C'est un poste important à long-terme, donc il faut des gens en interne (et pas des stagiaires, non plus... ).

La discussion avec les joueurs se fait là où sont les joueurs : sur facebook pour les social games, dans le jeu lui-même quand c'est possible, sur des forums...Le CM doit accepter que la communauté dérive du sujet du jeu lui-même vers tout et n'importe quoi (enfin, presque). Écoutez  votre communauté, elle peut faire changer les choses, en faire émerger que l'on n'avait pas envisagées. Les "power users", les meneurs naturels et les plus actifs doivent être clairement identifiés, et servir de relais, car on ne peut pas discuter avec tout le monde. La plupart des éditeurs élisent ainsi des modos ou des "ambassadeurs", et forment un groupe privé avec eux, où ils vont leur proposer de bêta-tester, de co-créer, de répondre à des sondages (pour le choix d'une nouvelle icône, par exemple)... 100 à 200 ambassadeurs pour AntVoice, et 1000 fans bêta-testeurs pour les nouvelles versions. Le bêta-test est une très bonne idée non seulement pour déboguer le jeu, mais aussi avoir un feedback, puis avoir des gens qui vont convaincre les autres que la nouvelle fonctionnalité est cool. 

Attention à garder en tête que les forumeurs ne représentent pas TOUS les joueurs, mais juste une partie (minoritaire) des joueurs. Et qu'ils ont l'habitude de beaucoup râler beaucoup, c'est normal. Voire de polémiquer sans fin. Si un joueur se plaint tout le temps, impliquez-le dans le beta-test et faites-en un ambassadeur. Si on donne des pouvoirs à des modérateurs, il faut bien fixer les règles et les devoirs, attention ! Un modo incontrôlé peut faire des dégâts.

Question : quid des indicateurs ? (metrics, KPI). Bof, comment mesurer le moral et la satisfaction d'une communité, répond Owlient ? Il convient de suivre des indicateurs simples assez évidents : le nombre de joueurs actifs, d'inscriptions, les revenus... Après, on peut avoir quelques indicateurs très spécifiques selon le jeu.
Question sur l'international : ce n'est pas seulement une différence de langue mais aussi de culture. AntVoice utilise certaines icônes un peu sexy, et c'est à éviter aux USA, mais super bien accueilli en Italie. Il faut des gens de chaque pays pour gérer ce genre de choses, on ne peut pas tout savoir si on n'est pas "sur-place". Owlient indique qu'ils ont eu des soucis aux USA non seulement sur des questions plutôt évidentes comme l'avortement (des chevaux, dans un élevage), mais aussi sur la consanguinité des chevaux.
Question sur l'organisation de rencontres IRL : les joueurs aiment voir les admins et les modos aux salons, ils leur apportent souvent des cadeaux ! Pour les rencontres entre joueurs, ce sont souvent les joueurs qui organisent, qui se soutiennent mutuellement. Owlient a déjà organisé une rencontre simultanée dans 15 ou 16 villes/pays différents.
Question sur la triche et le bannissement : le bannissement est en lien essentiel avec des règles de modération de discussions. Pour la triche (bots, scripts), c'est assez inévitable, il vaut mieux en prendre connaissance via la communauté, et mettre en place des protections logicielles ou changer des règles trop propices aux abus, que se lancer dans une chasse aux IP ou autres.

(suite dans un autre billet !)