L'année dernière, je n'avais pas assisté à la conférence (même si j'ai fait un article sur le sujet malgré tout). Pour 2013, j'y suis retournée, motivée par les présentations annoncées, surtout les "success stories", témoignages en direct de créateurs de jeux. J'ai espéré qu'on aurait un peu moins de marketeux sur le plateau, et plus de développeurs et animateurs (au sens animation de communautés).

J'ai été plutôt contente du résultat. J'ai senti que les deux publics étaient là, et les deux types d'ateliers aussi. Le milieu est toujours très pro, mais j'y ai senti un renouveau d'un certain esprit ludique. Est-ce dû à la baisse d'intérêt pour Facebook, la place prépondérante des jeux sur mobile qui parlent davantage aux plus petits studios ? Par contre, on sent l'intérêt très "start-up" de certains (l'envie de faire un truc simple à succès et de revendre leur boite à un gros éditeur).

Bon, je vais parler de chaque présentation. Elles sont consultables en ligne pour la plupart, sur Slideshare, ce qui est super cool, et m'évite de devoir copier trop d'infos mot à mot (même si tout est en anglais, ce qui peut en refroidir certains).

La success story de Rayman Jungle Run par PastaGames

Voir les diapos sur SlideShare.

Leur histoire est sympathique car ce petit studio (de moins de 10 personnes) a réalisé ce jeu à succès un peu par hasard. Et a même commencé par refuser de le faire, n'en ayant pas les moyens financiers et humains ! Ubisoft cherchait des compétences qu'ils n'ont pas en interne pour créer sur iPad et iPhone, ils ont donc insisté et fini par convaincre le studio (qui avait déjà réalisé quelques petits jeux sans grand succès, devant consacrer par ailleurs 70% de leur temps à des prestations d'advergames pour les faire vivre).

La présentation s'est ensuite focalisée sur les défis de technique et de gameplay à porter un jeu classique sur tablette (donc, entre autres, sans manette de jeu !). Ils ont bénéficié d'une ouverture totale sur le code d'Ubisoft, et ont dû beaucoup travailler pour parvenir à adapter tout ça. Ils ont cherché des astuces pour rendre le jeu jouable aux doigts, et permettre des parties très courtes (30 à 40 secondes par niveau au lieu de 2 à 3 minutes habituellement sur mobile). Et ont magnifiquement réussi tout ça. Résultat : 1.8 M de téléchargement payant, grâce, il est vrai, à une marque connue.

Table ronde sur l'acquisition de joueurs

Aaaah le bon sujet marketing qui revient chaque année ! Autour de la table : GameDuell, entreprise de 200 salariés qui s'est lancée en 2009 sur les jeux Facebook, en 2010 sur iPhone, en 2011 sur Android et en 2012 sur le HTML5, et possède 80 millions de joueurs inscrits. Avec eux, on rencontre aussi deux petites sociétés qui proposent des services de fidélisation aux développeurs, des plateformes multi-jeux pour gagner des cadeaux.

Alors, quelle est la tendance dans ce domaine ?

  • On ne veut plus acquérir des clients qui se contentent de télécharger ou démarrer son jeu : on paye (sur ces plateformes de fidélisation ou via des publicités) pour avoir un joueur qui fait tout le tutoriel, qui va jusqu'à la mission N. Il faut les pousser à donner 5 étoiles au jeu, aussi !
  • Au lieu d'optimiser à fond le jeu pour ceux qui paient (ce qui était le cas les années précédentes), on va chercher à créer des jeux à la difficulté très progressive, et à introduire régulièrement des nouveautés, pour faire durer le jeu.
  • Les européens acceptent les jeux et tutoriels avec du texte, mais ce n'est pas le cas aux USA, où TOUT doit être visuel pour ne pas faire fuir.
  • Les casual gamers paient moins qu'avant. De plus, ils préfèrent désormais des jeux de gestion un peu plus avancés (plus matures), et plus créatifs (tout est relatif... ).
  • Les joueurs sur iOS rapportent 2 fois plus que sur Facebook. Mais il est moins cher et plus facile de recruter sur Facebook...Alors, quel choix faire ?

La success story de Transformice par sa co-créatrice Mélanie Christin

Le jeu Transformice n'est pas très connu. Dans la salle, je crois que pas grand monde n'en avait entendu parler. Mais moi, je connais bien ce jeu, car mes enfants y sont accros depuis le début en 2010. Leur public en France a d'ailleurs une moyenne d'âge de 12-13 ans. Le jeu est un genre de Lemmings en temps réel multijoueurs, où chaque joueur est une souris qui veut accéder au fromage de la sortie du niveau. Un jeu d'action mi-compétition (être le premier à toucher le fromage), mi-coopération (à chaque partie, un des joueurs est le Chaman qui doit construire les ponts et tunnels permettant de s'en sortir). Un tchat en direct prend une belle place sous l'écran de jeu. Les souris sont customisables, et peuvent s'organiser en guildes.

Bien que méconnu, ce jeu rassemble 35 millions d'inscrits, et 3 millions de joueurs actifs mensuels ! C'est donc un vrai succès. Il a été créé par deux ex-salariés d'Ankama (Dofus), un développeur et une graphiste. Le jeu est sorti en mai 2010 avec juste 10 niveaux différents, et très peu de fioritures.Le succès a été viral dès le départ ! Les serveurs sont tombés très vite, et il a fallu installer des bannières de publicité pour payer les nouveaux serveurs... Ce n'est qu'en mai 2011 que l'entreprise Atelier801 a été créée. Le premier salarié a été recruté en novembre 2011, un community manager pour pouvoir répondre aux nombreux messages de joueurs.

L'achat in-game, qui permet de customiser les souris, n'a été lancé qu'en juin 2012, mais a reçu un succès immédiat là aussi. Les joueurs réclamaient depuis longtemps de pouvoir acheter des bonus, et de nombreux fans voulaient faire des dons aux créateurs de leur jeu favori ! (Je peux d'ailleurs témoigner que j'ai dû freiner mes deux garçons de 7 et 11 ans dans leurs achats de bonus sur Transformice : oui, acheter un chapeau ou une fourrure pour souris leur plaît !).

Aujourd'hui, Atelier801 compte 12 salariés (dont aucun marketeur), et un taux de conversion d'environ 7%. Leur point fort est toujours et définitivement leur relation très forte avec leurs joueurs. Leur développement est également très international : 50% de leurs joueurs sont au Brésil ! 12% en Turquie, 12% dans le reste de l'Amérique latine, 3% en France et 3% aux états-unis (où les joueurs sont plus âgés). Pourquoi ? parce que leur jeu est très facile à jouer sur un simple navigateur web, avec un ordinateur basique, et une petite connexion (le jeu pèse moins de 1 Mo). C'est un très gros avantage pour les pays émergents. 4 autres jeux sont en préparation, ainsi qu'une plateforme communautaire.

Leur dernière phrase : n'hésitez pas à lancer votre jeu très tôt, car cela motive les joueurs comme les créateurs, et permet de profiter d'un gros feedback. 

Pour conclure cette première partie de compte-rendu : j'ai ensuite pu discuter un peu avec Mélanie Christin. Elle m'a avoué qu'elle se sentait peu à sa place sur cette conférence, avec son approche ludique et communautaire avant tout. Moi, je lui ai dit merci car c'est ce que j'attendais, et elle ne m'a pas déçue.